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CRHI
Université Nice Sophia Antipolis
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Secrétariat
Mme Laurence Fulconis-Loth
bureau : Extension 102
tél.: 04 93 37 55 25
email : Laurence.FULCONIS-LOTH[at]unice.fr


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9h30-12h30 & 13h30-15h30



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AXE N°2 - Être et phénomène

Ontologie, phénoménologie, anthropologie, esthétique : de la philosophie antique à la philosophie française contemporaine

 

1/ Objet 

La vitalité des recherches française actuelles en phénoménologie met la France au centre de l’attention de la communauté universitaire internationale attachée aux recherches phénoménologiques — et l’on parle désormais à l’étranger de « French phenomenology » comme on parle, pour désigner depuis les années 1970 la philosophie française post-structuraliste (Deleuze, Baudrillard, Foucault, Lyotard, etc.), de « French Theory ». Mais de fait, ce mouvement qu’un regard étranger saisit volontiers comme « unitaire » peine à se définir conceptuellement et, institutionnellement, à se fédérer sur un plan national — se diffractant dans les activités de différents centres de recherches éparpillés sur le territoire français.

Or l’hypothèse fédératrice qu’entendent développer les recherches menées dans cet axe est justement que l’originalité, la vitalité, la créativité, et finalement l’identité de la philosophie française contemporaine se décident et se jouent justement à l’intersection ou à la confluence de ces deux paradigmes — et dans la manière dont la french phenomenology et la french theory, que tout semblait séparer historiquement et conceptuellement, refluent l’une sur l’autre pour s’enrichir mutuellement et faire surgir, face aux problèmes auxquels se trouve confronté le monde contemporain, de nouvelles manière de les poser et d’y répondre.

 

1/ Le premier de ces problèmes — et la première hypothèse qui, ce faisant, structurera cet axe — tient à la manière dont, initialement issu des travaux menés par Bruno Latour et Michel Callon au milieu des années 1980 sur la théorie des acteurs-réseaux, le concept de « non humain », d’abord mobilisé en sociologie des sciences, s’est imposé à l’ensemble des champs de nos théories et de nos pratiques pour reconfigurer en profondeur la manière dont nous les réfléchissons, et est en passe de modifier jusqu’à notre « ontologie », ou notre « cosmologie » implicites. En ce sens, un premier objectif des recherches menées dans cet axe est de proposer une enquête conceptuelle destinée,  grâce aux outils de la French phenomenology et de la French Theory, à circonscrire un « moment de l’anhumain » ses enjeux du point de vue d’une approche transdisciplinaire du problème anthropologique contemporain. Car la thématique du « non humain » ne saurait être conçue comme le fruit de la découverte, par l’humanité, qu’il existe des entités qu’elle n’est pas — dont il serait nécessaire de reconnaître, pour des raisons théoriques ou éthiques, l’irréductible altérité. S’il est ici une découverte, comme l’a montré de manière définitive Philippe Descola en 2005 dans Par-delà nature et culture, elle pourrait bien, en réalité, signifier tout le contraire : les êtres humains ne sont ce qu’ils sont que dans la relation qu’ils entretiennent avec des non humains dont ils ne sont, justement, ni pratiquement ni ontologiquement séparés, et que seule cette séparation — cette grande coupure entre « nature » et « culture » supposée constitutive de la civilisation européenne depuis l’institution, au XVIIe siècle, de la science moderne — empêche de reconnaître comme tels. D’où le projet — proche en ce sens des cosmologies phénoménologiques contemporaines comme de l’ontologie deleuzienne des « multiplicités » — d’une philosophie « moniste » qui, chez Descola lui-même ou chez E. Viveiros de Castro, ne conduit nullement à la restriction du concept d’humanité, mais au contraire à son application à l’ensemble des « non humains » avec lesquels nous habitons conjointement, et ce faisant « humainement » la Terre — qu’il s’agisse des vivants (depuis les virus et les bactéries jusqu’à ce que nous nommons traditionnellement les « animaux ») ou des non-vivants (depuis les conditions « physico-chimiques » de notre écosystème jusqu’aux artefacts numériques qui de plus en plus le peuplent et avec lesquels nous ne cessons d’interagir). Aussi la thématique du non-humain ne signifie nullement un repli, mais au contraire une extension, en même temps qu’une redéfinition et qu’une redétermination, du concept d’humanité, lequel cesse de devenir un concept « substantiel » désignant tel ou tel existant (« l’être humain ») à l’exclusion des autres, mais comme un concept de relation permettant de les intégrer, ou mieux, un concept permettant de penser l’humanité avec ses autres sous ce que P. Descola nomme « l’humanité » non en tant qu’espèce, mais « en tant que condition » — révolution dont les enjeux sont donc tout autant, et sous le même rapport, anthropologiques qu’éthologiques — comme en témoignent par exemple les travaux déjà menés par Vanessa Nurock en éthique animale et environnementale.

 

2/ S’impose alors, et telle sera notre deuxième hypothèse, la nécessité de répéter de telles questions historiquement. Car si cette révolution intellectuelle ne désigne nullement la découverte, par l’homme, d’une hétérogénéité irréductible entre humains et non humains mais, tout au contraire, leur coexistence et leur commune appartenance à une même « condition », reste à expliquer en quoi et pourquoi une telle communauté se doit d’être « redécouverte » — et ce faisant, à déterminer le sens et les enjeux de leur apparente « séparation ». Or c’est sur ce point que le changement de paradigme que nous vivons doit être appréhendé avec une lucidité historique renouvelée : s’il est en effet aisé de nommer « Occident » le type de civilisation construit sur la séparation entre humains et non humains — et sur une séparation telle qu’elle aboutirait, en la justifiant, à la domination des premiers sur les seconds et, par récurrence et sur le fond d’un processus de déshumanisation de certains humains par d’autres, sur la domination de l’homme par l’homme ; s’il peut même être tentant de dater une telle séparation — qu’on se focalise, comme on le fait le plus souvent, sur l’avènement de ce que Husserl nommait les « sciences européennes », qu’on la fasse remonter, comme le proposait Heidegger, aux premiers commencements de la philosophie antique — reste qu’une telle approche pose elle-même un problème de principe. Car, pour reprendre le titre d’un ouvrage clé de B. Latour, nous-mêmes n’« avons jamais été modernes », nous-mêmes n’avons jamais vraiment ou complétement vécu conformément à l’institution symbolique du grand partage entre « nature » et « culture » dans lequel nous aurions unanimement pensé et réfléchi notre condition. Et ce faisant, la tradition philosophique européenne — y compris, et tel fut l’objet des premiers travaux de Latour sur le « laboratoire », dans sa dimension proprement scientifique —, a pour une bonne part pensé contre cette institution pour rendre justice à un tel vécu, et fut ainsi la seule à pouvoir penser cet écart entre vivre et connaître situé au cœur du changement de paradigme actuel — lequel trouve justement sa source dans une telle tradition, y compris aux yeux des penseurs qui n’y appartiennent pas et l’utilisent pour réfléchir leur différence. De ce point de vue, il n’est donc pas illégitime de penser que, loin de nous appeler à la congédier, elle s’inscrit en profondeur dans la tradition critique — c’est-à-dire auto-critique — de la pensée européenne, et peut et doit continuer d’y chercher des ressources — qu’un tel geste consiste en une approche renouvelée de ce qu’a, véritablement, signifié la « Modernité » ou qu’il s’inscrive plus en profondeur, dans le prolongement du geste sans doute plus contemporain, et issu de la tradition phénoménologique, de questionnement en retour de l’ensemble de notre tradition de pensée et sur ses premiers commencements : la philosophie antique — et singulièrement la philosophie antique de l’image.

 

3/ Or notre troisième hypothèse directrice — alimentée par les recherches menées, par l’écophénoménologie, sur notre inscription proprement sensible dans le monde — est que c’est justement autour de la question esthétique, et notamment du problème de l’imagination, de l’imaginaire et de l’image, que cet écart se manifeste le plus clairement — et acquiert lui-même sa propre histoire, depuis son traitement platonicien jusque dans ses répétitions les plus contemporaines situées au cœur de la philosophie française et de la double filiation dans laquelle nous nous inscrivons : la question du rapport entre apparaître et apparence dans la tradition phénoménologique, et celle du traitement du réel et du simulacre dans la tradition post-structuraliste. À cette double filiation, s’ajoute également un ancrage dans le renouveau français de la pensée de l’aisthesis, porté par une philosophie spécifiquement esthétique de l’épreuve faite face aux œuvres et pratiques.

Voilà pourquoi les recherches menées dans cet axe s’orienteront également dans trois directions :

- Une relecture de la théorisation et de la constitution de l’idée d’image dans la pensée antique et leur réception et héritages dans la théorisation contemporaine de l’image, avec une attention particulière à l’image cinématographique et à son traitement deleuzien.

- Une étude des ontologies de l’image portées dans les nouvelles technologies — et notamment dans le traitement que les games studies proposent de l’image vidéoludique à l’intersection des concepts de fiction, de jeu et de technique.

- Une réflexion sur l’imaginaire des gestes artistiques, techniques et artisanaux, et l’influence de cet imaginaire sur une phénoménologie de l’effort, destinée à repenser les liens entre le domaine esthétique et le domaine technique, contribuant ainsi à l’histoire de l’idée d’esthétique comme pensée autonome du sensible.

 

2/ Positionnement

De par sa longue et riche histoire, le CRHI possède déjà une place centrale dans le champ théorique que circonscrit ce deuxième axe de recherche. Il fut longtemps considéré comme un acteur central, en Europe, des recherches phénoménologiques. Dès les années 1970, Dominique Janicaud, élève et ami de Jean Beaufret, orienta le CRHI vers l’histoire de la phénoménologie française, dont il fut du reste un important protagoniste (voir l’ouvrage fondamental publié en deux volumes sous le titre : Heidegger en France, Albin Michel, 2001). Avec l’aide de Clément Rosset, de Daniel Charles, de Jean-François Mattéi puis de Françoise Dastur, il contribua alors à créer ce qu’il est encore convenu d’appeler l’« école de Nice », dont les contributions les plus importantes touchaient à trois dimensions dans lesquelles nous souhaitons inscrire nos recherches :

1/ Celle d’une circonscription de la philosophie française. De fait, l’un des moments les plus importants de l’école de Nice fut la publication, par D. Janicaud lui-même, du Tournant théologique de la phénoménologie française, dont le propre était justement d’évaluer le type de rupture que celle-ci, dans sa version la plus contemporaine, orchestrait avec la phénoménologie allemande, et le nouveau paradigme philosophique « francophone » qui était en passe d’émerger de cette rupture. D’un retentissement considérable, ces travaux, prolongés quelques années plus tard dans La phénoménologie éclatée, continuent d’exercer sur les historiens de la phénoménologie comme sur les phénoménologues eux-mêmes une influence tout à fait considérable.

2/ Celle d’une étude, profondément marquée par l’herméneutique phénoménologique, de la réception contemporaine de la philosophie antique et moderne dont J-F. Mattéi, avec ses travaux fondamentaux sur Platon, sur Nietzsche, mais aussi sur des auteurs contemporains comme Heidegger ou, sur un autre registre, Camus, a marqué toute une génération de philosophes français.

3/ Celle d’une esthétique située au croisement de la phénoménologie et du post-structuralisme — dans les travaux essentiels de Clément Rosset ou de Daniel Charles, prolongés à certains égards par ceux de Carole Talon-Hugon – qui défende en même temps une spécificité de la tradition conceptuelle esthétique ouverte par Baumgarten et Kant, dans la lignée des travaux de Marianne Massin, Baldine Saint-Girons ou encore Bernard Sève

Le CRHI bénéficie déjà d’une très grande visibilité dans ces champs de recherche, que nous entendons réactiver et consolider en travaillant à lui conférer une plus grande consistance et une plus incontestable cohérence.

 

3/ Partenariats

Partenariats académiques

Dans le contexte de cet axe 2, en lui-même très fortement interdisciplinaire (philosophie, études antiques, esthétique, histoire de l’art, études visuelles, études cinématographiques), le CRHI bénéficie aujourd’hui d’une stratégie partenariale solide et assurée.

Sur le plan des recherches phénoménologiques, le laboratoire a obtenu, en 2022, la création, auprès de l’Université Franco-Allemande, et la co-direction d’un collège doctoral franco-allemand, instituant ainsi un partenariat important entre l’Université Côte d’Azur et l’Université de Wuppertal. Intitulé « Nouvelles phénoménologies en France et en Allemagne », ce collège doctoral entend recenser et analyser les points de contact et de rupture entre les travaux des phénoménologues contemporains en France et en Allemagne, de façon à initier et/ou approfondir un dialogue implicite mais structurant pour les recherches phénoménologiques contemporaines, et permet l’organisation de workshops dans les deux universités partenaires, journées d’étude et colloques thématiques, écoles d’été, ateliers de traduction, aide à la mobilité des étudiants souhaitant effectuer des séjours de recherche à Nice ou à Wuppertal, aide à la rédaction et à la publication des recherches menées en commun et des travaux doctoraux.

Mais le CRHI collabore régulièrement avec d’autres structures de recherches situées en France (les Archives Husserl de Paris, l’association Alter, la Société Francophone de Phénoménologie, le Groupe de recherche et d’analyse des phénoménologies de Lyon, L’École Rouennaise de Phénoménologie) ou à l’étranger (l’Association Internationale de Phénoménologie, le Centre d’Études et de Recherches en Philosophies Contemporaines de l’Université Catholique de Louvain).

Sur le plan des recherches sur les réceptions contemporaines de la philosophie antique, et notamment de la pensée platonicienne, des partenariats ont été noués dans un contexte local : avec le CTEL, avec aussi avec la MSHS Sud-Est, et en particulier l’axe 5 — dont le CRHI dirige depuis de nombreuses années deux séminaires importants : le séminaire IVI (Idée, Vérité, Image) et le séminaire PHILIA (Philosophie et Littérature de l’Antiquité). Ces séminaires ont en outre permis au CRHI de nouer des partenariat avec l’INRIA (Sophia Antipolis), l’Institut de Physique de Nice (InPhyNi, CNRS), mais aussi, dans un contexte plus national et international, avec l’EHESS, l’Université Sorbonne nouvelle-USPC, la Goethe-Universität de Frankfurt Am Main, l’Ecole Normale Supérieure de Pise, l’université du Salento (Italie), le Centre André Chastel, Laboratoire de recherche en Histoire de l’art (Sorbonne Université –UMR 8150) et le Centre Léon Robin d’études sur la pensée antique (UMR 8061, placée sous la double tutelle de l'Université Paris-Sorbonne et du CNRS). Enfin, des recherches relatives aux réceptions contemporaines de l’histoire de la philosophie sont déjà menées, en partenariat avec le CUM, dans le cadre de la chaire J-F. Mattéi co-pilotée par le CRHI.

Sur le plan enfin de l’esthétique et des analyses contemporaines de l’image, le contexte de l’inscription dans l’EUR CREATES y est particulièrement favorable : des partenariat avec les nombreuses structures d’enseignement artistiques sont à l’étude (Villa Arson, Conservatoire National de Région, Pavillon Bosio, etc.) et un groupe de réflexion sur le geste et la créativité en passe d’être constitué avec le CTEL. À l’échelle nationale, des collaborations régulières avec le Centre Victor Basch (Sorbonne Université) sont prévues.

 

Partenariats socio-économiques
 
Le projet, par ses objets comme par l’articulation qu’il propose entre philosophie esthétique et philosophie de la technique est en phase avec la croissance générale de l’industrie ludique (jeux vidéo comme jeux de société) de ces quinze dernières années, et, puisqu’il entend fournir des outils pour comprendre toute la richesse sensible que cet engouement ludique amène, au-delà, d’ailleurs, du strict cadre des pratiques ludiques, il pourrait donner lieu à des partenariats socio-économiques.

 

4/ L'axe 2 au sein d'Université Côte d'Azur

Les projets portés par l’axe 2 répondent pleinement aux ambitions de l’Académie 5 « Homme, Idées et Environnement », et notamment :

A/ De son axe 1 (« Savoirs, Idées, langage, société »), dont l’un des objectifs centraux est de mettre en valeur les évolutions, dans le temps du sens, de la portée et des usages des catégories fondamentales de notre tradition de pensée ainsi que les révolutions paradigmatique qui les rendent possibles, mais aussi d’interroger le sens et les enjeux de l’avènement d’une « Société numérique », interrogation à laquelle les recherches sur l’esthétique des nouvelles images permettront de contribuer de manière significative.

B/ De son axe 3 (« Art, création, sciences – Art et santé »), lequel consiste notamment à circonscrire les enjeux sociétaux des nouvelles formes de cultures artistiques, ainsi que la portée proprement créative des nouvelles technologies.

Au-delà des Académies de l’Idex, les projets portés par l’axe 2 s’inscrivent largement dans le Programme Structurant Transdisciplinaire de l’établissement « Art et science ». Ils s’inscrivent également directement et de façon ample et pérenne dans l’axe 5 de la MSHS Sud-Est : « Histoire des Idées, des pratiques et des sciences », et ont, sur la base et dans le cadre du séminaire structurant « Arts, Philosophie , Image », contribué en très grande partie à la naissance et à la structuration même de cet axe 5, dont ils contribuent aujourd’hui encore à nourrir et porter les activités pour une part importante.

 

 

 

 

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