AXE N°3 - Éthique et politique des nouvelles technologies
1/ Objet
Les questions d’éthique et de politique des nouvelles technologies sont en plein développement, après avoir été négligées pendant des décennies au profit d’approches unilatéralement centrées sur leur acceptabilité sociale. L’axe 3 du CRHI entend contribuer à de tels questionnements dans au moins deux directions :
1/ Une « éthique du vivant et de l’artificiel »
Adossé à la chaire UNESCO EVA (https://univ-cotedazur.fr/chaire-unesco-eva/la-chaire-eva/presentation-generale), consacrée à l’analyse éthique et politique des évolutions récentes concernant le vivant et l’artificiel dans leur processus, et dont le propre est de considérer l’éthique comme un partenaire engagé tout au long de l’élaboration de ces processus d’innovation, cet axe de recherche pluridisciplinaire a pour quadruple objectif : a/ de développer de nouveaux outils théoriques en éthique à l’interface du vivant et de l’artificiel, et, en lien étroit avec les travaux menés dans l’axe 2, de réinterroger ces deux catégories ; b/ de développer de nouvelles pratiques, notamment cliniques, à l’interface du vivant et de l’artificiel ; c/ d’accroître la coopération entre monde de la recherche et société civile, ainsi que les acteurs politiques et économiques, notamment dans le cadre des échanges nord/sud ; et d/ de stimuler le développement pluraliste (notamment en termes de genres et de cultures) des nouvelles technologies.
2/ Une réflexion éthique et politique sur la « e-democracy »
Face à la crise profonde de la représentativité politique que connaissent les démocraties occidentales, le thème de la « e-democracy », qui connut une émergence timide au cours des années 1990, revient actuellement sur le devant de la scène médiatique française, à l’initiative de peuples ou des gouvernants eux-mêmes qui y voient parfois une solution magique aux problèmes d’abstentionnisme, d’autoritarisme, d’opacité dans les processus de décision ou de fraude électorale. Toutefois, elle ne bénéficie pas en France — au contraire de ce qui se passe dans certains pays anglo-saxons — d’une réelle expertise. La littérature scientifique française est en effet davantage construite par des journalistes que par des chercheurs — dont la lecture répond plus à des préoccupations idéologiques qu’à la nécessité d’interroger, de manière à la fois plus large et plus précise, le devenir de la démocratie à l’ère de la transformation digitale, dans ses enjeux certes techniques ou « instrumentaux » — liés à ses conditions d’application —, mais aussi éthiques et politiques : la neutralité de l’Internet, le changement des modes de communication, l’accès du citoyen à l’information (fake news), la participation et l’inclusion aux processus de délibération, etc.
2/ Positionnement
Conformément à son intitulé, l’originalité du positionnement des recherches menées dans l’axe 3 du CRHI tient fondamentalement au souci d’appréhender, de manière pluridisciplinaire, les nouvelles technologies sous un angle éthique et politique. Il ne s’agit donc pas — en tout cas pas seulement —, d’une approche épistémologique des révolutions auxquelles nous sommes confrontées — déplacement des frontières entre le vivant et de l’artificiel et de la redétermination mouvantes des termes de cette relation, digitalisation de nos pratiques —, mais d’une tentative d’étudier, pour les comprendre mais aussi les discuter de manière critique, le sens et les enjeux des révolutions pour les sociétés humaines qui en sont le théâtre — afin de déterminer la façon dont il les conduit à réformer et à réinventer les idées et les catégories dans lesquelles elles se réfléchissent, les discours et les œuvres dans lesquels elles se pensent, les formes, les artefacts et les techniques dans et par lesquelles elles s’expriment et font, à toutes les époques, émerger une culture nouvelle. Ce faisant, cet axe de recherche n’entend pas tant couvrir un nouveau champ — ou un nouvel objet — d’investigation, qu’instituer une nouvelle manière de reposer une pluralité de problèmes qui sont au cœur de nos sociétés, avec la conviction qu’elles ne se définissent pas tant par leur capacité à se maintenir dans leurs identités supposées fixes, mais par le dynamisme de leur créativité constitutive — qu’il s’agisse justement pour elles de se saisir de nouvelles thématiques issues d’une évolution des sciences, des arts ou des techniques, ou d’inventer de nouvelles manières de se saisir d’objets ou de pratiques plus traditionnels.
3/ Partenariats
Sur le plan national et international, cet axe bénéficie déjà de nombreux partenariats, qui devront être à la fois pérennisés, renforcés et étendus :
1/ La Chaire EVA rassemble trois institutions : UCA, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l’INSERM. Elle est par ailleurs partie prenante de l’IRCAI (International Research Center on Artificial Intelligence labellisé par l’UNESCO à Ljubjana) dont elle pilote le groupe de travail éthique. Le CRHI est, par ce biais, déjà engagé dans deux projets internationaux de pointe : le projet « Descartes » — projet franco-singapourien sur l’éthique de l’IA qui intègre également des spécialistes reconnu.e.s d’autre pays (par exemple, le WP6 piloté par le CRHI intègre une philosophe canadienne) —, et le projet européen « Miracle », consacré à l’éthique de la santé algorithmique et qui fédère des universités et des institutions italiennes, espagnoles et allemandes. Il est également engagé dans le projet ANR CulturIA, le projet franco-japonais « Personalized Medicine and Data. Technologies, Welfare System, and Ethical Issues », et collabore également activement avec l’UNESCO sur l’implémentation de la recommandation sur l’éthique de l’IA.
2/ Le terreau local s’avère également extrêmement fertile pour le développement des recherches sur les enjeux démocratiques des nouvelles technologies qui, dans la lignée de trois projets européens portés par le laboratoire durant le précédent contrat — Programme européen INTERREG ChIMERA (creative and cultural industries), Programme européen CHIMERA+, Programme européen « Pays capables » —, implique déjà des universités italiennes, anglaises et américaines. L’un des enjeux sera de trouver des ressources techniques et financières — dans le cadre plus spécifique d’un appel à projet national ou européen — pour la création d’une plateforme fédérative.
4/ L'axe 3 au sein d'Université Côte d'Azur
Sur le plan de son inscription dans l’EUR Creates, l’objectif de cet axe est de nouer différents partenariats avec les laboratoires qui y sont rattachés — par exemple autour du projet de recherche CulturIA, financé par l’Agence Nationale de la Recherche, qui se propose de développer une approche culturelle de l’Intelligence Artificielle (IA) — et, en raison de ses perspectives directrices — les pratiques démocratiques, l’étude des libertés et des déterminismes, les études de genre, les éthiques du care —, de renforcer certains axes de recherche existant en suscitant en son sein de nouvelles collaborations.
Plus largement, ce nouvel axe de recherche s’inscrit parfaitement dans l’écosystème de notre Université — rappelons qu’UCA est l’un des 4 centres IA français, ce qui offre un contexte particulièrement favorable aux recherches en éthique de l’IA — de sorte que l’environnement universitaire local est très fertile sur toute question qui concerne l’application des nouvelles technologies (INRIA, en particulier, I3S, 3IA) et devrait ainsi permettre de nouer de nombreux partenariats et de répondre à une pluralité d’exigences.
Sur le plan de la stratégie de l’établissement, cet axe de recherche pourra ainsi contribuer à faire d’Université Côte d’Azur un centre internationalement reconnu en matière de sciences du numérique et d’intelligence artificielle, en lien avec les politiques de site et nationale. Il se trouve, de fait, à l’intersection de plusieurs programmes structurants d’UCA : de par sa contribution éthique et politique à la question du rapport entre santé et nouvelles technologies, il s’inscrit pleinement dans le programme « Environnement Santé, Citoyen » ; de par l’analyse critique qu’il propose de la colonisation, par les sciences et les pratiques du numérique, de l’ensemble de nos existences individuelles et sociales, il répond pleinement aux exigences formulées dans le programme « Sciences Numériques, Société et Individu » — et, dans sa lignée, aux axes « Homme, Idées et Milieux » et « Réseaux, Information et Société numérique » des académies 1 et 5 de l’Idex ainsi qu’à l’axe 2 de la MSH Sud-EST « Technologies numériques, communautés et usages » ; enfin, en raison des recherches qui y sont menées sur l’interface vivant/artificiel, il pourra apporter une contribution significative au programme « Modélisation, physique et mathématique du vivant », et à l’axe « Complexité et Diversité du Vivant » porté par l’Académie 4 de l’Idex.