Mardi 26 novembre 2024, Jean-Pierre Llored, « Apports de la philosophie de la chimie pour élargir et approfondir la réflexion sur la science, la technique, la connaissance et le vivant »

 

Dans le cadre du séminaire « Histoire et Philosophie des Sciences » et du colloque organisé par l'IFRÉ, le CRHI, le Laboratoire J.A. Dieudonné et l'axe 5 de la MSHS sont heureux d’accueillir la conférence suivante :

Jean-Pierre Llored (École Centrale Casablanca, département sciences humaines et sociales de l’École Centrale Supélec)

« Apports de la philosophie de la chimie pour élargir et approfondir la réflexion sur la science, la technique, la connaissance et le vivant »

mardi 26 novembre 2024, 16h-17h, amphithéâtre H69, campus Carlone

 

Cette séance s'inscrit dans le cadre du séminaire et du colloque organisé mardi 26 et mercredi 27 novembre 2024 par l'IFR en Epistémologie (dont voici le programme).

Attention : l'horaire et le lieu de la conférence sont inhabituels

 

Présentation de la conférence :

D’un point de vue historique, la chimie se présente comme science et industrie à la fois. Elle ne cesse d'être matériellement créatrice, productive et opératoire. Elle renvoie inévitablement à des protocoles expérimentaux et des raisonnements se rapprochant souvent davantage de descriptions que de raisonnements hypothético-déductifs, à un vertigineux pluralisme de méthodes, à une connaissance bien souvent pragmatique et médiatisée par le faire, à une impossibilité, quasi totale, de faire abstraction des contextes et milieux dans la définition, la conceptualisation et la réalisation, toujours ouvertes et provisoires, de ce à quoi les chimistes disent avoir affaire.

La chimie ne cesse, en outre, de rendre problématiques les distinctions qui nous permettent de penser les sciences et les techniques et notre rapport au monde, comme celles concernant, par exemple, le naturel et l’artificiel, la théorie et la pratique, le pur et l’impur, la science et l’art, l’intrinsèque et l’extrinsèque, les relations et les relata, le tout et les parties, les faits et les valeurs. Cette mise à l’épreuve des frontières et dichotomies qui, comme des lunettes dirait Wittgenstein, nous permettent d’avoir une image du monde et des sciences est hautement intéressante, ne serait-ce que pour prendre de la distance par rapport à nos repères actuels, l’objectif n’étant pas de les déconstruire mais de les problématiser de façon à compléter, généreusement, dans une démarche de concrescence, cum-crescere signifiant en latin « croître ensemble », les dispositifs intellectuels qui nous permettent de donner du sens à nos activités et au monde et de comprendre la connaissance humaine.

Science-industrie hybride, multiple et collaborative, ayant bien souvent appris à travailler avec d’autres corps de métiers et d’autres façons de faire science, elle ouvre, de ce fait, une voie pertinente pour penser l’évolution des disciplines scientifiques, de leurs idées, méthodes, raisonnements, instrumentations et formalismes ainsi que les rapports que les sciences et les techniques entretiennent entre elles et avec les sociétés et l’environnement.

Par ailleurs, les substances chimiques transforment nos modes de vie, les sociétés, les milieux vivants, et le nouvel objet « Terre » décrit par les géosciences et ces transformations ne sont pas sans conséquences sur nos collectifs en termes sanitaires et environnementaux. Aussi le rapport de la chimie avec la raison pratique, le politique, l’économique et l’écologique est-il immédiat et les questions éthiques qu’elle suscite sont d'emblée de portée collective.  

Cette science qui a longtemps été méprisée et minorée a aujourd'hui beaucoup à nous apprendre sur les thèmes majeurs que sont désormais l'interdisciplinarité concrète et les nouvelles ontologies relationnelles qui structurent nos projets concernant, par exemple, la « Terre », « L’environnement », le « Vivant » et la « Santé ». Elle pourrait aussi beaucoup apprendre des autres disciplines, en l’occurrence de la philosophie, pour penser, dès leur conception et au-delà, les effets des corps qu’elle produit en s’inspirant, dans ses réalisations ordinaires, des approches relationnelles et processuelles que la philosophie a su penser en vue de participer à la mise en place de modes de vie alternatifs.

Notre présentation a pour objectif de présenter, pour ensuite en débattre, certains points évoqués ci-dessus, en sensibilisant les auditrices et auditeurs à ce qu’il est possible d’apprendre de la chimie et de faire de cet apprentissage à l’aune des défis gnoséologiques et écologiques de notre époque.

 

CRHI
Université Nice Sophia Antipolis
MSHS Sud-Est